Poser un cathéter et assurer son bon fonctionnement peuvent s’avérer difficile. Il est crucial d’harmoniser les pratiques infirmières afin de garantir la sécurité et la qualité des soins aux patients. Cette harmonisation permet de réduire le nombre d’erreurs et de maintenir une cohérence de soins. Elle encourage également la collaboration, la communication et le travail d’équipe entre professionnels de la santé.
Il est essentiel de connaître le déroulement de la pose de voie veineuse périphérique ainsi que les signes et symptômes associés aux complications afin d’intervenir de manière appropriée.
Dans cet article, nous aborderons les points-clés de la maintenance du cathéter veineux périphérique.
Quels sont les risques et complications ?
Connaître les risques et les complications majeurs permet de déterminer les surveillances et les actions infirmières appropriées.
- Extravasation.1.2.3.4.5.6
- Obstruction. 1.2.5.6
- Phlébite. 2.3.4.6
- Embolie gazeuse.1.6
- Infections. 2.3.5.6
- Lésion nerveuse.1.6
Extravasation
Définition
« L’extravasation est une injection ou une fuite accidentelle inappropriée et non intentionnelle de médicaments dans les espaces périvasculaires ou sous-cutanés plutôt que dans le compartiment vasculaire cible. »7
Le produit extravasé peut être une substance non irritante, irritante ou un agent vésicant.
Une substance non irritante ne provoque pas d’inflammation ou de dommage. Une substance irritante provoque comme une brûlure, une sensation de brûlure et/ou des signes locaux d’inflammation ou de phlébite. En revanche, un agent vésicant peut provoquer une irritation intravasculaire, une ulcération et une nécrose en cas d’extravasation, nécessitant un débridement et/ou une greffe de peau.5
Signes et symptômes
La gravité de l’extravasation dépend du produit injecté, de sa concentration, du volume extravasé, de la durée d’exposition, du site d’injection et des facteurs liés au patient.4,5,6
Les conséquences d’une extravasation peuvent être la douleur, la rougeur, l’œdème, la nécrose cutanée, les lésions des tendons, des nerfs et des articulations, l’infection secondaire ou l’abcès, voire l’amputation.7
Conduite à tenir 6.7.8
- Stopper la perfusion, enlever la tubulure, mais laisser le cathéter en place.
- Essayer d’aspirer le plus de produit extravasé possible à l’aide d’une seringue stérile de 10 ml.
- Ne pas rincer.
- Appeler le médecin.
- Procéder à l’ablation prudente du cathéter.
- Surélever le membre.
- Appliquer une compresse sèche, froide ou chaude selon le médicament extravasé (pour cela se référer au document des Hôpitaux Universitaires de Genève qui indique quand mettre du froid ou du chaud en fonction du produit injecté).8 Dans la plupart des cas, appliquer du froid sur les produits non irritants.
- Ne pas appliquer de pansement compressif.
- Si des cloques apparaissent, aspirer le contenu avec une seringue stérile de 1 ml munie d’une aiguille fine stérile.
- Marquer l’étendue de l’extravasation au feutre sur la peau.
- Surveiller régulièrement le site d’extravasation.
- Noter les informations concernant l’extravasation dans les transmissions écrites.
Les compresses alcoolisées sont à éviter, car il y a risque de brûlure et les compresses humides sont à éviter parce qu’il y a risque de macération de la peau.8
S’il s’agit de produits cytotoxiques ou vasoconstricteurs, il y a risque de nécrose. Appeler le médecin en urgence.
Prévention
L’infirmier(e) doit pouvoir repérer les signes tels que douleur, œdème, rougeur et induration et rechercher un épanchement sanguin sous-cutané et une douleur au point de ponction.2.6
En prévention, contrôler le retour veineux et rincer le cathéter avant d’injecter un produit intraveineux.6.7.9
Obstruction
Définition
Les obstructions peuvent être causées par des caillots, des dépôts de lipides ou des problèmes mécaniques, tels que des valves fermées ou une tubulure coudée. 10
Signes et symptômes
Lors d’une obstruction, il y a résistance à l’injection et absence de reflux.
Conduite à tenir
Si la solution ne s’écoule plus malgré le rinçage pulsé pratiqué en prévention, l’infirmier(e) doit d’abord vérifier la hauteur du soluté, puis vérifier si la tubulure est coudée.
Le positionnement du cathéter doit également être vérifié.
Lancer le débit au maximum pour vérifier l’absence d’occlusion. Puis, recalculer le débit correctement selon la prescription.
S’il y a une absence de reflux, une résistance, la voie n’est probablement pas perméable.4
Dans ce cas, il vaut mieux perfuser de nouveau le patient.
Prévention
Pour rappel, le respect de la compatibilité médicamenteuse est un préalable.10
Pour limiter le risque d’obstruction, il faut rincer la tubulure après l’insertion du cathéter, après tout reflux sanguin, après l’injection de tout médicament, à chaque prélèvement sanguin et sans utilisation spécifique au moins une fois toutes les 12 heures.3.6.9.10.11
En prévention, l’infirmier(e) doit vérifier le reflux sanguin, s’assurer que les injections peuvent être effectuées sans résistance et sans douleur, et vérifier que le débit est conforme à la prescription.2
Pour l’adulte, il est recommandé d’utiliser 10 ml de NaCl 0.9% entre deux médicaments et 20 ml après tout produit visqueux ou très adhérent (comme la nutrition parentérale, les dérivés sanguins, les produits de contraste).3.10
Ce rinçage contribue à maintenir la lumière des veines et à éviter la formation de dépôts.
En milieu hospitalier, il existe 3 méthodes de l’effectuer :
- Garde veine/24 heures.
- Rinçage à l’aide d’une seringue de 10 ml vidée en un bolus.10
- Rinçage pulsé à l’aide d’une seringue d’un minimum de 10 ml, ce qui est plus efficace, car il détache plus de protéines fixées sur la paroi des cathéters.6.10.11
Attention, ne pas effectuer de rinçage pulsé avec tous les produits intraveineux. (Par exemple. : le potassium ou les amines.) 6.10
Veinite et thrombose veineuse
Définition
La veinite ou phlébite est une inflammation de la veine4. Elle peut être causée par la présence du cathéter (surtout si la taille est inadaptée), par une irritation chimique à la suite de l’administration de certains médicaments comme le potassium, ou par la formation d’un caillot sanguin.
Attention, par abus de langage le terme “phlébite” a remplacé chez les francophones le terme de “thrombophlébite”. Il y a souvent confusion entre les deux termes, c’est pourquoi vous entendrez parler du mot “phlébite” pour parler de thrombose.12
La définition exacte de la phlébite est : Inflammation aiguë ou chronique d’une veine entraînant souvent la formation d’un caillot de sang.13
La thrombose veineuse est une affection caractérisée par la formation d’un caillot sanguin dans une veine. Une thrombose veineuse non traitée peut causer de graves complications. Elle est accompagnée d’une veinite, d’où le terme de thrombophlébite.
Signes et symptômes
Les symptômes d’une veinite comprennent la douleur, la chaleur, la sensibilité, l’érythème ou un cordon veineux palpable.6 Si elle n’est pas traitée, elle peut entraîner une infection du sang ou une thrombose. Elle peut être locale ou se propager dans la veine, et peut survenir pendant toute la durée du cathétérisme, jusqu’à 48 heures après son ablation.7
Conduite à tenir
Si des signes inflammatoires apparaissent au point de ponction d’une veine, le cathéter doit être retiré sans être jeté. Une échographie Doppler peut être effectuée pour rechercher une thrombose.5
On pourra :
- Appliquer de la chaleur (avec des compresses chaudes) pour soulager le patient.6
- Surélever le membre.6
- Utiliser un antalgique si besoin, sur prescription médicale.6
Les autres techniques de soulagement (alcool, crème…) n’ont pas démontré leur efficacité.6
Prévention
En prévention, lors de l’insertion ou de l’entretien d’un cathéter, il est important de choisir le site approprié, de pratiquer une bonne hygiène des mains et d’utiliser une technique aseptique lors de la manipulation du cathéter.14.15
Embolie gazeuse
Définition
Une embolie gazeuse survient lorsque des bulles de gaz sont introduites dans la circulation sanguine, ce qui peut bloquer le flux sanguin et endommager les tissus. De petites bulles d’air dans la tubulure ne sont généralement pas inquiétantes. Cependant, une tubulure entièrement remplie d’air entraîne un risque d’embolie gazeuse. Dans ce cas, la perfusion peut être fatale.4.14
Signes et symptômes
Les symptômes d’une embolie gazeuse sont une douleur thoracique, un essoufflement, un gasping, un wheezing, une hypotension, des vertiges, une paralysie brutale ou une confusion.6
Conduite à tenir
Par ordre d’exécution6 :
- Clamper immédiatement et vérifier toutes les sources possibles d’entrées d’air.
- Mettre le patient en décubitus latéral gauche dans la position de Trendelenburg.
- Appeler le médecin.
- Initier O2 100%.
Prévention
En prévention, l’infirmier(e) doit purger toutes les tubulures et expulser l’air des seringues.14
Infection
Définition
Le non-respect des règles d’hygiène peut causer une veinite qui représente une inflammation de la veine ou une bactériémie quand l’infection atteint la circulation sanguine.
Signes et symptômes
Les signes d’une infection de cathéter veineux périphérique sont une rougeur, un gonflement, une chaleur ou une douleur à proximité du site du cathéter.6 Les autres signes peuvent inclure de la fièvre, des frissons, une odeur nauséabonde ou un écoulement au niveau du site du cathéter.
Conduite à tenir
- En cas de suspicion de bactériémie, rechercher les signes d’une hyperthermie, de frissons, de marbrures, de tachycardie, d’hypotension.2
- Retirer le cathéter, en cas de suspicion d’infection. Ne pas le jeter. Il est parfois analysé en laboratoire.5.11.15
- Hémocultures sur prescription ou protocole.5
Prévention
Voici quelques recommandations essentielles :
- Appliquer un pansement transparent semi-perméable pour visualiser correctement le point de ponction et repérer les signes.2.9.11
- S’assurer de la bonne adhésion et de la perméabilité du pansement.9.15
- Ne pas réinsérer un cathéter délogé.11
- Surveiller le site d’insertion 48 heures après l’ablation du cathéter.11
- Pour limiter le risque, il faut toujours manipuler les rampes avec des compresses imbibées d’antiseptique (chlorhexidine alcoolique, polyvidone iodée alcoolique ou alcool à 70°).2.6.9.15
- Mettre en place un bouchon stérile chaque fois que le robinet est ouvert.2.15
- Il est recommandé de changer un cathéter posé en urgence si les règles d’asepsie n’ont pu être respectées et selon le degré de difficulté de pose.4.3
- Laisser le cathéter périphérique en place au MAXIMUM 4 jours.2.3.5.11.15
Sauf cas particulier : patients en soins palliatifs, difficiles à piquer… La balance bénéfice/risque sera évaluée par l’équipe. - Bien réaliser la traçabilité de la pose, pour que le cathéter ne soit pas en place plus de 4 jours par inadvertance.11
- Respecter l’hygiène de ses mains.2.6.11.15
- Évaluer quotidiennement la pertinence de la présence du cathéter avec le médecin.6.11
- Il est fortement recommandé d’informer le patient et/ou ses proches du risque infectieux lié au cathéter veineux périphérique pour une détection précoce de ces risques.10,15
- La tubulure d’une perfusion doit être changée toutes les 96 heures pour réduire le risque d’infection.2.11.13 Avec le temps, les bactéries peuvent s’accumuler à la surface de la tubulure et augmenter le risque d’infection pour le patient.
Il faut aussi changer les tubulures : 2.6.11.15
- Après l’administration de produits sanguins labiles.
- Après une chimiothérapie.
- Tous les jours, en cas d’alimentation parentérale et de passage de solutions lipidiques.
- Après l’insertion d’un nouveau cathéter.
- Dans les 12 heures après administration de propofol.
Lésions nerveuses
Définition
Les lésions nerveuses représentent la lésion d’un nerf qui provoque douleur et perte de sensibilité.
Signes et symptômes
La douleur neurogène est un type de douleur chronique causée par des lésions du système nerveux. Elle peut se manifester par des brûlures, des picotements ou des engourdissements.
Conduite à tenir6
- Tout cathéter doit être retiré si le patient se plaint de douleurs de type neurogénique.
- Alerter le médecin.
Prévention6
Lors de la pose de cathéter périphérique, éviter les lésions nerveuses n’est pas toujours évident à cause de la proximité anatomique des veines et des nerfs et de leurs différentes variations dans la population générale. Toutefois, il existe des zones plus à risque de lésions nerveuses lors de la pose d’un cathéter périphérique :
- La veine céphalique du niveau du poignet (lésion du nerf radial).
- La face palmaire du poignet (lésion du nerf médian).
- Les plis du coude (lésion du nerf médian).
Surveillances et soins au quotidien
- Apparition de signes infectieux.
- Apparition de signes de veinite ou de thrombose.
- Apparition de signes d’extravasation.
- Règles d’hygiène à appliquer.
- Rinçage auto pulsé une fois par jour au minimum et entre chaque produit injecté.
- Vérification de la voie : retour veineux, bon débit de la perfusion, placement du cathéter.
- Vérification de l’intégrité du matériel et de son branchement (pansement, tubulures, robinets, bouchons).
- Vérification de la date de pose et questionnement de la pertinence d’une voie veineuse.
- Retrait du cathéter en cas de signes inflammatoires.
Lors de la pose du cathéter et durant sa maintenance, il y a un risque de douleur et d’anxiété.
Ces surveillances permettent de limiter la survenue de complications. Elles sont du rôle propre de l’IDE.
L’éducation et la formation du personnel soignant sont importantes pour une utilisation correcte des cathéters et pour la prévention de complications.
Il est important de suivre les recommandations relatives à la pose et à l’entretien d’un cathéter veineux périphérique afin de garantir la sécurité et le confort du patient. Une mise en place et un entretien corrects réduisent le risque d’infections, de complications et d’autres événements indésirables associés à cette procédure.
Des protocoles d’établissement existent sûrement, n’hésitez pas à vous documenter.
Vous voulez en savoir davantage sur la pose de cathéter ?
Vous pouvez consulter notre Guide pratique de la pose d’une voie veineuse périphérique en 6 étapes
Nous avons également rédigé plusieurs cours sur ce sujet sur la plateforme Réussis ton IFSI :
- « Pose d’une voie veineuse périphérique, traçabilité, maintenance et ablation » (UE 4.4 S1)
- « Administration d’injectables SC – IV – IM – ID » (UE 4.4 S1)
Sources
- Manuel MSD « Comment poser une voie intraveineuse périphérique » – 10/2020
- Réseau espace santé cancer « POSE ET ENTRETIEN D’UNE VOIE VEINEUSE PÉRIPHÉRIQUE » – 27/03/2014
- Hôpitaux Universitaires de Genève « Pose et entretien d’un cathéter veineux périphérique court » – 02/2018
- Société française d’hygiène hospitalière « Prévention des infections liées aux cathéters périphériques vasculaires et sous-cutanés » – 05/2019
- Centre intégré de santé et de services sociaux « Surveillance d’une perfusion intraveineuse par les TAP » 03/2018
- 2021 Infusion Therapy Standards of Practice Updates. J Infus Nurs. 2021 Jul-Aug 01;44(4):189-190. doi: 10.1097/NAN.0000000000000436. PMID: 34197345.
- Canadian Patient Safety Institute “Complications consécutives à une injection, une perfusion ou une transfusion” 01/17
- Hôpitaux Universitaires de Genève « Extravasation de médicaments non cytotoxiques » – 07/2014
- Hôpitaux Universitaires de Genève « Extravasation de médicaments non-cytostatiques » – revu le 23/06/2021
- Hôpitaux Universitaires de Genève « Entretien des cathéters veineux périphériques et centraux : technique du rinçage en mode pulsé et verrou » – 26/03/2018
- CHUV « Catheter veineux périphérique (PED/SCEA) » – application le 21/01/2020
- Office québécois de la langue française – Grand dictionnaire terminologique « thrombose veineuse profonde » Dernière mise à jour 2014
- Centre national de ressources textuelles et lexicales – olland, J.-Chr., Amies, 1910, p.1209 « PHLÉBITE »
- Collège des enseignants de médecine intensive réanimation « Surveillance et complications des abords veineux » – consulté le 11/04/23
- Haute Autorité de Santé « Prévention des infections liées aux cathéters veineux périphériques » – 11/2005