Certains patients éprouvent des difficultés pour avaler un comprimé ou une gélule, notamment ceux qui sont atteints de troubles de la conscience, de troubles psychiatriques ou de troubles de la déglutition. Plus de 40 % des personnes âgées souffrent de troubles de la déglutition.1

Le premier réflexe est, en général, d’écraser le comprimé ou d’ouvrir la gélule pour faciliter l’administration du médicament. Pourtant, cette pratique est fortement déconseillée et peut même s’avérer dangereuse.

En effet, les médicaments oraux ont des formes complexes et adaptées. Ils doivent être administrés en tenant compte des recommandations du fabricant.

Une pratique risquée : 

Une enquête2 au CHU de Rouen a révélé que 42 % des médicaments écrasés n’auraient pas dû l’être, car leur forme galénique ne le permettait pas. Cela concerne notamment les comprimés à libération prolongée (tel que le Topalgic) et les comprimés gastro-résistants (telle que la Dépakine). Pourtant, pour la plupart de ces médicaments, une alternative existe, telle qu’une solution buvable à libération immédiate ou un équivalent orodispersible.

Mais quels sont les risques ?

Des études réalisées en pédiatrie montrent que plus de 70 % des médicaments broyés, écrasés ou coupés ne correspondent plus à la dose prescrite.3 

Les risques pour le patient : 

Le surdosage par : 

  • Augmentation et/ou accélération de l’absorption du médicament.
  • Administration de médicaments non destinés au patient qui peuvent être présents sur le dispositif utilisé pour les écraser.

Exemples : 

  • L´ouverture d´une gélule de dabigatran augmente sa biodisponibilité de 75 % et expose le patient à des risques d´hémorragie. 
  • La libération de la substance active et son absorption ne sont plus freinées en ce qui concerne une forme pharmaceutique à libération prolongée. 

Le risque peut être très grave, comme en témoigne le décès d’une patiente diabétique de 38 ans dans un service de réanimation à la suite de l’écrasement d’un comprimé de Nifédipine à libération prolongée.4

Le sous-dosage par :

  • Inefficacité du médicament, causée par la modification de son absorption.
  • Inactivation, par interaction chimique avec d’autres substances écrasées (et donc prises) simultanément.
  • Perte de produit restant sur le dispositif d’écrasement ou dans un récipient intermédiaire.
  • Inactivation causée par la digestion gastrique.
  • Écrasement d’une forme LP qui peut entraîner un surdosage aigu, suivi d’un sous-dosage.
  • Rejet du patient à cause du goût (amer, par exemple) du médicament écrasé.
  • Altération éventuelle de la substance active libérée au contact de la lumière (furosémide…), de l’humidité ou des aliments avec lesquels elle est mélangée. 

Exemple :

  • Biodisponibilité du pantoprazole réduite, car le principe actif des comprimés gastro-résistants est altéré, voire détruit, par les acides du liquide gastrique.5

Toxicité locale avec irritation ou ulcération des muqueuses

Exemples : 

  • Ulcérations buccales par contact avec le sulfate de fer, 
  • les diphosphonates et 
  • le chlorure de potassium.

Les risques pour le personnel soignant :

  • Accidents allergiques ou toxiques à la suite d’un contact cutané ou de l’inhalation de particules médicamenteuses.
  • Risque environnemental lié à la non-destruction de médicaments mélangés avec des aliments incomplètement consommés.
  • Exposition éventuelle de la personne qui écrase les comprimés ou ouvre les gélules à des particules de médicaments potentiellement cancérogènes, tératogènes (substances cytotoxiques) ou toxiques pendant la grossesse. 
infographie - ne jamais couper un médicament non sécable

Quelques mesures simples pour diminuer les risques :

  • Limiter la prescription aux médicaments strictement nécessaires.
  • Explorer des alternatives, comme la Dépakine 500, qui peut être obtenue sous forme de gouttes ou de sirop.
  • Toujours se référer à la liste des médicaments écrasables, publiée par l’OMEDIT Normandie en partenariat avec la SFPC (mise à jour janvier 2023)6
  • Si un écrasement est nécessaire :
    • Il doit être effectué par un(e) infirmier(e) diplômé(e) d’état (IDE).
    • Il est important d’utiliser un seul système de broyage pour chaque médicament et patient.
    • Le médicament doit être broyé finement et immédiatement avant administration.
  • Respecter les horaires de prescription.
  • Ne pas couper un comprimé non sécable, cela présente les mêmes risques que l’écraser.7
  • Prendre les précautions nécessaires pour certains médicaments (gants, masque, etc.).
  • Utiliser un véhicule neutre, comme de l’eau gélifiée.

Sources