Le service de rhumatologie diagnostique et prend en charge les douleurs induites par les maladies osseuses, articulaires et musculo-tendineuses1 Ces pathologies peuvent se traduire par des plaintes algiques, une impotence fonctionnelle, des troubles du sommeil, une souffrance psychologique. Leur traitement va de l’administration d’antalgiques de différents paliers à la biothérapie, l’infiltration, les manipulations (kinésithérapie), mais également l’administration d’antibiotiques ou de traitements spécifiques.
Être infirmier(e) en rhumatologie, c’est évaluer la douleur à l’aide des échelles de la douleur, administrer les traitements, accompagner le patient dans la réalisation des gestes quotidiens, prévenir les risques liés à l’immobilisation et prendre en charge la douleur psychologique.
Dans cet article, nous aborderons tout ce que vous devez savoir avant de débuter un stage infirmier en rhumatologie, des pathologies et thérapeutiques rencontrées jusqu’aux objectifs à formuler.
Typologie du lieu de stage et particularités du service
Le stage en rhumatologie relève de la catégorie des soins de courte durée (SCD) et se déroule généralement dans un cadre hospitalier. Ce contexte implique des horaires de travail variés, comprenant des rotations entre les horaires de jour et de nuit, ainsi que les week-ends et jours fériés. Les infirmier(e)s qui exercent dans ce service doivent donc être prêts à travailler à tout moment, en fonction des besoins spécifiques du service.
En ce qui concerne la durée moyenne de séjour en hospitalisation traditionnelle, elle s’élève à 8,29 jours.2 Ce service accueille des patients de tous âges, offrant ainsi une prise en charge spécialisée adaptée aux différentes tranches d’âge.3
Les patients admis en service de rhumatologie peuvent être transférés de plusieurs manières :
- Hospitalisation programmée : Les patients sont souvent adressés par leur médecin traitant ou leur rhumatologue pour une hospitalisation programmée. Cela peut être dû à la nécessité d’un traitement spécifique, d’une surveillance accrue ou d’une intervention chirurgicale.
- Transfert du service des urgences : Certains patients peuvent être admis en service de rhumatologie après avoir été pris en charge aux urgences. Cela peut être le cas pour des patients présentant une aggravation soudaine de leur pathologie rhumatologique ou une complication nécessitant une prise en charge spécialisée.
Lexique en rhumatologie
Chaque service médical a son propre jargon, composé d’une variété d’acronymes et de termes techniques spécifiques à la spécialité.
Par exemple, sur votre lieu du stage, vous entendrez :
- Antibiogramme : examen consistant à tester la sensibilité d’une bactérie à un antibiotique.
- Biopsie : prélèvement d’un échantillon afin de l’analyser à des fins diagnostiques.
- Biothérapie : traitement qui se base sur des médicaments biologiques ou des médicaments biotechnologiques.
- BO (bilan d’ostéoporose) : examens biologiques et d’imagerie à visée étiologique.
- Chimiothérapie : traitement chimique visant à traiter un cancer.
- ECG (électrocardiogramme) : avant administration de traitement à risque de troubles du rythme ou pour la surveillance de complications.
- Écho ou échographie : imagerie permettant de visualiser les tissus sous-cutanés, à visée diagnostique ou curative (pour guider une infiltration, par exemple).
- Hémoculture : test sanguin mis en culture pour mettre en évidence, ou non, la présence d’une bactérie dans le sang.
- Infiltration : injection de produit, de corticoïde par exemple, directement dans une articulation pour soulager la douleur.
- IRM (imagerie par résonance magnétique) : technique d’imagerie médicale non invasive qui permet de visualiser en détail les structures internes du corps humain. Elle repose sur l’utilisation d’un champ magnétique puissant et d’ondes radio pour créer des images en trois dimensions des tissus, des organes et des structures anatomiques.
- Microcristallin : se dit d’un liquide biologique ponctionné en intra-articulaire, pouvant orienter le diagnostic.
- Ponction : geste invasif visant à prélever un épanchement intra-articulaire.
- PR (polyarthrite rhumatoïde) : maladie inflammatoire chronique qui affecte principalement les articulations, provoquant une douleur, une raideur et une inflammation.
- RT (radio thoracique) : technique d’imagerie médicale qui utilise les rayons X pour produire une image du thorax.
- SAD (sonde à demeure) : dispositif médical permettant l’élimination des urines lors de complications telles qu’une rétention aiguë d’urine (iatrogénique par exemple ; induite par les morphiniques) ou lors d’une immobilisation prolongée avec incapacité/impossibilité de mobilisation.
Cette liste d’acronymes n’est pas exhaustive et vous aurez l’opportunité de vous familiariser avec elle pendant le stage. Si vous rencontrez des difficultés pour comprendre certains termes, n’hésitez pas à demander des explications aux professionnels de santé qui vous encadrent.
Pathologies rencontrées et facteurs de risque en rhumatologie
Les infirmier(e)s en rhumatologie sont chargé(e)s de prendre en charge une variété de pathologies spécifiques. Parmi celles-ci, on peut distinguer plusieurs types principales : 2.3.4
- Pathologie inflammatoire : polyarthrite rhumatoïde, maladie de Still, spondylarthrite ankylosante, lupus érythémateux disséminé, périartérite noueuse, goutte/crise de goutte, maladie de Horton.
- Pathologie mécanique : cruralgie, sciatique, lombalgie (aiguë et chronique), névralgie cervico-brachiale, myopathie inflammatoire, fractures ostéoporotiques, arthrose
- Pathologies infectieuses : arthrites septiques, spondylodiscite, mal de Pott, ostéite.
- Pathologie oncologique : lymphome, myélome, métastases osseuses.
- Pathologie dégénérative : arthrose, ostéoporose.
- Pathologie autre : fibromyalgie (pathologie reconnue depuis peu par l’OMS (1992), c’est un syndrome polyalgique idiopathique diffus présentant une symptomatologie physique (douleur) et psychique.)5
Les facteurs de risque courants de ces pathologies sont :
- Le surpoids.
- L’alimentation.
- L’âge avancé.
- L’hérédité.
- Le tabac.
- Les professions à gestes répétitifs ou mobilisant une/des articulations de façon intense et/ou répétée.
- Le sport intensif sur le long terme.
Il est essentiel que vous soyez informé(e) des facteurs de risque et des pathologies associées, afin de dispenser des conseils de qualité aux patients. Vous pourrez, par exemple, leur donner des recommandations pour protéger leurs articulations, les aider à se sevrer du tabac ou améliorer et adapter leur alimentation.
Spécificité de la rhumatologie
Nous allons détailler ici quelques spécificités de la rhumatologie comme la prise en charge de la douleur, l’éducation thérapeutique et faire un point sur les éléments diagnostics.
La prise en charge de la douleur en rhumatologie
La connaissance de la douleur, de ses causes et de leur expression est fondamentale. En lien avec ces connaissances, celles des traitements associés, leur mode d’administration, et les surveillances afin de prévenir et prendre en charge les éventuels effets indésirables. La connaissance de l’anatomie du rachis, des articulations et du système nerveux est également essentielle.
L’éducation thérapeutique en rhumatologie
Cela fait écho aux compétences d’éducation thérapeutique du patient (ETP) de l’infirmier(e) :
L’éducation thérapeutique est essentielle pour les infirmières en rhumatologie, car elle leur permet de prodiguer des soins individualisés.6
Selon l’OMS, l’éducation thérapeutique est « celle qui devrait permettre aux patients d’acquérir et de conserver les capacités et les compétences qui les aident à vivre de manière optimale leur vie avec leur maladie. Il s’agit par conséquent d’un processus permanent, intégré dans les soins et centré sur le patient… »7
L’ETP vise :
- Le dialogue : améliorer la communication.
- La confiance : établir la confiance.
- La conformité : respecter les réglementations.
- Le suivi : suivre les progrès du patient.
- L’efficacité et la sécurité : augmenter la productivité et la sécurité.
Les infirmières pourront aider le patient au niveau de l’autogestion pour, par exemple, les modifications du mode de vie, la prise des traitements ou la gestion de la douleur.8
Point sur les éléments diagnostics en rhumatologie
En rhumatologie, le diagnostic repose sur divers examens.
- Les imageries : radio, scanner, IRM, échographie, ostéodensitométrie. Elles permettent de déceler une anomalie physique du squelette ou une altération de la structure (os, cartilage) pouvant être à l’origine des douleurs et nécessitant en général un examen biologique.
- La biologie : marqueurs d’inflammation (CRP, VS), hématologiques (NFS), le bilan rénal, hépatique ainsi que le bilan phospho-calcique. Pour certaines pathologies, comme la polyarthrite rhumatoïde ou une pathologie auto-immune, on peut également rechercher des auto-anticorps spécifiques ou réaliser une électrophorèse des protéines visant à analyser les différentes protéines présentes dans le sang. En ce qui concerne les pathologies infectieuses, la réalisation d’hémocultures est déterminante et permet d’identifier la bactérie responsable et d’établir un antibiogramme.9
Actes et soins infirmiers rencontrés en rhumatologie
Au cours de votre journée de travail, vous serez amené(e) à effectuer des actes et soins, parmi lesquels on peut citer : 2.3.10
- Administration des thérapeutiques médicamenteuses.
- Assistance du médecin dans la réalisation de gestes médico-techniques.
- Bilan biologique, prise de sang, hémoculture.
- Électrocardiogramme.
- Envoi de prélèvement de liquide biologique dans les règles de bonnes pratiques.
- Injection intraveineuse et/ou sous-cutanée avec calculs de doses associés.
- Organisation de la sortie d’un patient.
- Pose de sonde à demeure et surveillances associées.
- Pose de voie d’abord périphérique/sur chambre implantable.
- Prélèvements capillaires.
- Préparation du patient pour un examen radiologique, biologique ou fonctionnels.
- Surveillance et réfection de pansements complexes
- Surveillance locale des points de ponction/d’infiltration.
Vous trouverez, dans l’unité d’enseignement 4.4 de Réussis ton IFSI, des renseignements approfondis sur la méthode de chacun de ces soins.
Les traitements administrés en rhumatologie
La pharmacologie en rhumatologie comprend une variété de médicaments, tels que les antalgiques, les antigoutteux et les antiarthrosiques. Il est impératif de connaître les différents paliers des antalgiques, leur mode et voie d’administration afin d’optimiser leur administration.2
- Antalgiques de différents paliers : réduction de la douleur.
- Antibiotiques : traitement de l’infection.
- Anticoagulants : prévention des risques thromboemboliques.
- Antidépresseurs imipraminiques : réduction des douleurs neuropathiques.
- Anti-inflammatoires : réduction de l’inflammation/antalgiques.
- Biothérapies : agissent directement sur les mécanismes des pathologies et ciblent spécifiquement les molécules responsables de l’inflammation et de l’érosion articulaire. Traitements récents indiqués en cas d’échec de prise en charge, notamment à cause de leur coût.
- Médicaments du transit : prévention ou traitement des troubles du transit.
Toutes ces classes thérapeutiques sont traitées dans l’unité d’enseignement 2.11 sur la plateforme Réussis ton IFSI.
Autres connaissances spécifiques
Les soignants en rhumatologie doivent connaître :
- Les risques liés à l’alitement.
- Les risques psychologiques de la douleur chronique.
- Les différents types de douleurs.
- Les différentes échelles de la douleur.
La surveillance du patient en rhumatologie est orientée vers le confort et le soulagement de la douleur.
Il faut également savoir prévenir, identifier et alerter en cas d’effet indésirable, certains traitements pouvant entraîner une détresse respiratoire (morphiniques), des troubles du rythme cardiaque/hémodynamique (Amitriptyline), et plus couramment des troubles du transit (comme une constipation, des nausées ou des vomissements). D’autres traitements induisent des risques thromboemboliques ou des risques de rétention aiguë d’urine.
Objectifs de stage en rhumatologie
En stage de rhumatologie, vous pourrez acquérir et valider différentes compétences, en fonction de votre niveau et de vos objectifs.
Notre équipe a publié un article sur la rédaction de vos objectifs de stage : comment fixer ses objectifs de stage en soins infirmiers.
Voici une liste non exhaustive de compétences requises dans la structure d’accueil : 2.3.10
- Accompagner la personne dans la réalisation de ses soins quotidiens, en fournissant un soutien et une éducation pour favoriser l’autonomie du patient.
- Acquérir une connaissance approfondie de l’anatomie du rachis et des différentes articulations.
- Assister un médecin dans la réalisation d’un geste technique
- Assurer une surveillance efficace des paramètres vitaux, détecter les anomalies par rapport aux normes, et être capable d’alerter l’équipe médicale.
- Collaborer avec les professionnels de santé à partir de la planification de soins.
- Comprendre les différentes pathologies rencontrées, notamment les rhumatismes inflammatoires chroniques, ainsi que leur physiopathologie et les symptômes associés.
- Connaître et comprendre les protocoles de soins du service.
- Connaître les modes d’administration des corticoïdes et des anti-inflammatoires, ainsi que les éléments de surveillance de leurs effets secondaires, afin d’assurer une utilisation sûre et efficace de ces médicaments.
- Développer sa réflexivité professionnelle en questionnant les professionnels de santé et en prenant du recul sur sa pratique.
- Effectuer des calculs de dose corrects.
- Effectuer des transmissions orales et écrites en utilisant le DAR (données, actions, résultats).
- Effectuer la surveillance clinique du patient.
- Évaluer la douleur du patient à l’aide d’une échelle d’évaluation adaptée.
- Initier et mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs, afin de promouvoir la santé et le bien-être des patients.
- Mettre en œuvre des actions à visée diagnostique et thérapeutique, afin de contribuer à l’évaluation et à la gestion de l’état de santé du patient.
- Organiser le déroulement de la journée avec l’équipe soignante en fonction des soins à effectuer et des examens du jour, afin d’assurer la continuité des soins.
- Organiser le devenir du patient avec l’équipe pluridisciplinaire.
- Réaliser et gérer l’entrée du patient dès son admission : du recueil de données à la macrocible d’entrée.
- Relever une prescription médicale, l’appliquer et dispenser les traitements.
- Savoir différencier une maladie inflammatoire d’une maladie mécanique ou dégénérative.
- Savoir effectuer les soins spécifiques à la rhumatologie.
Professionnels rencontrés en rhumatologie
Ceci dépend de l’établissement dans lequel vous serez en stage, mais, en général, vous rencontrerez : 2.3.4
- Aide-soignant(e).
- Assistante sociale.
- Cadre de santé.
- Chef de clinique.
- Diététicienne.
- Ergothérapeute.
- Infirmier(e).
- Kinésithérapeutes.
- Pharmaciens.
- Praticiens hospitaliers.
- Prestataires externes (pour les orthèses, par exemple).
- Psychologue.
- Rhumatologue.
- Secrétaires.
Devenir infirmier(e) en rhumatologie
Être infirmier(e) en rhumatologie offre une occasion unique d’approfondir vos connaissances sur la douleur et d’enrichir votre compétence dans sa prise en charge, tout en renforçant votre expertise en anatomie, en particulier en ce qui concerne l’appareil locomoteur. Ce stage vous permettra de comprendre la complexité des pathologies rhumatismales, qui sont majoritairement chroniques, et de développer des compétences spécifiques pour gérer ces conditions à long terme.
Un Diplôme Universitaire sur la douleur est une spécialisation précieuse dans ce domaine, qui peut vous permettre d’optimiser la prise en charge de la douleur et d’améliorer la qualité de vie des patients. L’expertise d’un(e) Infirmier(e) en Pratique Avancée pourrait être un atout majeur à l’avenir, malgré le fait que la rhumatologie, tout comme la dermatologie ou l’hépato-gastro-entérologie, en soit actuellement exclue.11
La satisfaction dans ce type de service provient de la capacité à aider les patients à gérer leurs douleurs et à améliorer leur qualité de vie. Il est également gratifiant de voir les patients gagner en autonomie et en confiance dans la gestion de leur santé.
Comme dans tout autre service, vous pouvez compter sur vos collègues et sur une véritable cohésion d’équipe dans les prises en charge plus compliquées. En tant qu’infirmier(e) en rhumatologie, vous aurez l’opportunité de vous spécialiser et de devenir un(e) référent(e) dans votre domaine, ce qui peut ouvrir la voie à de nouvelles opportunités de carrière.
En somme, le stage en rhumatologie offre une expérience enrichissante et diversifiée qui vous permettra d’acquérir des compétences précieuses et de développer une expertise dans la prise en charge des pathologies rhumatismales.
Sources
- Société Française de Rhumatologie « Qu’est-ce que la rhumatologie » – 02/12/2015
- IFSI / IFAS Chartres « Livret d’accueil du pôle HORG » service de rhumatologie – 17/06/2021
- Centre Hospitalier Universitaire Dijon Bourgogne – Livret « Accueil et ressources » du terrain de stage – dermatologie et rhumatologie – 07/2016
- Hôpitaux Universitaires Paris Nord Val de Seine « Livret d’accueil du service de rhumatologie » – Pr. DIEUDE – 08/2018
- Dictionnaire Vidal « Fibromyalgie » – 09/11/2022
- Cliniques universitaires Saint-Luc « Rôle de l’infirmière en rhumatologie et éducation Thérapeutique du Patient (ETP) » – Avramovska Aleksandra – 07/10/2014
- Haute Autorité de Santé « Éducation Thérapeutique du Patient (ETP) » – 25/02/2013
- Cliniques universitaires Saint-Luc « Rôle de l’infirmière en rhumatologie et éducation Thérapeutique du Patient (ETP) » – Avramovska Aleksandra – 07/10/2014
- Société Française de Rhumatologie « La prise de sang ou analyses biologiques » – consulté le 10/06/2023
- Groupe hospitalier saint joseph « livret accueil pour les étudiants » service de Gériatrie et Rhumatologie – 19/06/2014
- Centre hospitalier Guillaume Régnier « Élargissons les compétences des IPA à d’autres pathologies : maladies chroniques inflammatoires et auto-immunes » [Tribune] – Revue de la pratique avancée (VOL.III – N° 1, 01-02-03/2022)