L’oxygénothérapie consiste à administrer une concentration en oxygène supérieure à celle de l’air ambiant afin de corriger l’hypoxémie, prévenir l’hypoxie et rétablir une oxygénation optimale du sang et des tissus. Ce traitement médical, prescrit par le médecin, s’adresse aux patients qui présentent une insuffisance respiratoire aiguë ou chronique, et nécessitent un apport d’oxygène gazeux adapté à leur état clinique.
L’infirmier(e) assure une fonction essentielle dans l’administration et la surveillance de ce soin : choix du dispositif médical (lunettes nasales, masque simple, masque à haute concentration ou Venturi), réglage du débit et vérification de la tolérance du patient.
Cependant, l’oxygénothérapie n’est pas un geste anodin. Une prescription médicale inadaptée, un débit excessif, une mauvaise utilisation du dispositif peuvent provoquer une hyperoxie, une rétention de CO₂ ou des lésions nasales et pulmonaires.
Ce guide infirmier présente les principes de l’administration de l’oxygène, les dispositifs disponibles, les protocoles de surveillance et les bonnes pratiques cliniques pour garantir une prise en charge sécurisée et efficace du patient en milieu hospitalier.
Qu’est-ce que l’oxygénothérapie ?
Définition
L’oxygénothérapie est un traitement médical qui consiste à administrer de l’oxygène à une concentration supérieure à celle de l’air ambiant (> 21 %) par voie respiratoire. Cet acte sur prescription médicale a pour but de corriger ou de prévenir une hypoxémie, c’est-à-dire une diminution du taux d’oxygène dans le sang artériel, et d’améliorer l’oxygénation des tissus et des organes vitaux.
Bases physiologiques de l’oxygénation
L’oxygène est indispensable au fonctionnement cellulaire, car il permet de produire de l’énergie au cours du processus de respiration.
Ensuite, l’air inspiré est diffusé dans les alvéoles pulmonaires puis dans le sang, où une partie est principalement transportée par l’intermédiaire de l’hémoglobine (98 %), alors que le reste est dissous dans le plasma (2 %)1.
Indicateurs de l’oxygénation sanguine
Les deux principaux indicateurs de l’oxygénation sanguine sont :
- La PaO2 (pression partielle en oxygène) : entre 80 et 100 mmHg chez un adulte sain.
- La SpO2 (saturation pulsée en oxygène) : > 94 % chez un sujet sain et entre 88 et 92 % chez un sujet à risque d’hypercapnie comme certains patients atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).
Hypoxémie et hypoxie : différences et signes cliniques
L’hypoxémie correspond à une diminution du taux d’oxygène dans le sang artériel. Elle est objectivable grâce aux paramètres suivants : 2
- PaO2 < 60 mmHg en air ambiant.
- SpO2 < 90 % en air ambiant.
L’hypoxie correspond à un défaut d’oxygénation des tissus, souvent consécutif à une hypoxémie prolongée ou non corrigée. Ce manque d’oxygène provoque une souffrance cellulaire et peut compromettre le fonctionnement des organes vitaux.
Autrement dit, l’hypoxémie se mesure (PaO2, SpO2) tandis que l’hypoxie se manifeste cliniquement à travers des signes visibles :
- Polypnée : respiration rapide, indice d’alerte précoce.
- Pâleur, marbrures des membres : témoins d’une mauvaise perfusion périphérique.
- Agitation ou anxiété : réponse initiale du système nerveux central.
- Cyanose : coloration bleutée des lèvres ou des doigts (manifestation tardive).
- Troubles de la conscience : confusion, somnolence, désorientation (critère de gravité).
Lorsque ces manifestations s’aggravent et traduisent une lutte respiratoire intense, il s’agit d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), forme sévère d’insuffisance respiratoire aiguë (IRA), nécessitant une prise en charge urgente.
Sans intervention rapide, le défaut d’oxygénation cellulaire peut entraîner des complications vitales telles que des lésions cardiaques, neurologiques et rénales, et dans certains cas un arrêt circulatoire.
Cadre législatif et responsabilités infirmièr(e)s
En France, l’oxygène médical est reconnu comme un médicament par la loi selon l’article L5111-1 du Code de la santé publique3, son administration requiert donc obligatoirement une prescription médicale qui doit mentionner : 4
- La nature de la source d’oxygène.
- Le débit d’oxygène en L/min.
- La durée d’administration.
- L’interface d’administration.
- La nécessité éventuelle de fournir des bouteilles d’oxygène gazeux en tant que source mobile pour permettre la déambulation et les accessoires, si nécessaire.
Dans le cadre de l’oxygénothérapie, l’infirmier(e) intervient à la fois aux titres de son rôle prescrit et de son rôle propre.
Selon l’article R4311-7 du Code de la santé publique, dans le cadre du rôle sur prescription médicale, l’infirmier(e) est habilité(e) à pratiquer « l’installation et la surveillance des personnes placées sous oxygénothérapie normobare » ainsi que la « pose d’une sonde à oxygène ».5.6
Parallèlement, l’article R4311-5 définit son rôle propre, lui conférant une autonomie dans la « surveillance des fonctions vitales et maintien de ces fonctions par des moyens non invasifs » et le « recueil des observations de toute nature susceptibles de concourir à la connaissance de l’état de santé de la personne et appréciation des principaux paramètres servant à sa surveillance : température, pulsations, pression artérielle, rythme respiratoire ».7
Indications de l’oxygénothérapie
L’insuffisance respiratoire aiguë (IRA) correspond à une incapacité soudaine du système respiratoire à garantir une oxygénation sanguine adéquate. On en distingue trois formes principales : 2
- IRA de type I (hypoxémique) : hypoxémie sans hypercapnie.
- IRA de type II (hypercapnique) : acidose associée à une élévation de la PaCO2.
- IRA mixte : combinaison d’une hypoxémie et d’une hypercapnie.
Pour une approche plus globale, vous pouvez vous reporter à notre article sur l’interprétation des normes du gaz du sang.
Elle se retrouve dans de nombreuses pathologies telles que :
- Pneumonie aiguë communautaire.
- Infections respiratoires aiguës (grippe, COVID-19).
- Exacerbations de BPCO.
- Œdème aigu du poumon.
- Embolie pulmonaire.
- Choc septique.
- Crise d’asthme.
Pour en apprendre plus sur les pathologies respiratoires, vous pouvez vous référer à notre article dédié dans le guide du stage infirmier en service de pneumologie.
Bien que l’IRA en constitue l’indication médicale principale, l’oxygène est également prescrit dans certaines situations, telles que :
- Une anémie aiguë ou une hémorragie massive, afin de maintenir une oxygénation tissulaire suffisante.
- Une intoxication au monoxyde de carbone (CO), pour en accélérer l’élimination.
- La préoxygénation avant une intubation oro-trachéale, afin de prévenir la désaturation pendant la procédure.
- La période postopératoire immédiate, pour compenser l’hypoventilation et le risque d’hypoxémie liés à l’anesthésie.
- Le traitement des crises d’un certain type de migraines appelé algie vasculaire de la face.
- Une crise vaso-occlusive (CVO).
L’objectif de est donc double : restaurer une oxygénation artérielle normale et prévenir l’hypoxie tissulaire en atteignant les valeurs suivantes :
- PaO2 ≥ 80 mmHg.
- SpO2 entre 94 et 98 %.
- SpO2 entre 88 et 92 %, cible spécifique du patient à risque d’hypercapnie.2
Sources d’oxygène : prise murale, bouteilles et concentrateurs
L’oxygène est délivré à partir de différentes sources selon les besoins cliniques et l’organisation du service.
Les principales sont le réseau central d’oxygène, les bouteilles d’oxygène comprimé et, plus rarement, les concentrateurs fixes.
Ces différents moyens présentent des avantages en termes d’autonomie, de sécurité et de continuité des soins.
Le réseau central d’oxygène (prise murale)
L’oxygène médical est distribué à l’intérieur de l’hôpital grâce à un réseau central alimenté par des réservoirs cryogéniques contenant de l’oxygène liquide. Ce système constitue la principale source d’oxygène en milieu hospitalier, car il garantit un débit stable, continu et sécurisé.
Dans les chambres de patients et les zones de soins spécialisés (urgences, réanimation, bloc opératoire), l’oxygène est accessible par le biais des prises murales normalisées spécifiques à l’O2.
Le soignant y branche un débitmètre pour régler le débit prescrit par le médecin, pour une administration précise et sécurisée.
Bouteilles d’oxygène
L’oxygène médical en bouteilles (ou obus) est stocké à l’état gazeux, comprimé généralement à une pression de 200 bars.
Elle est composée :
- D’un manodétendeur (intégré ou non) qui permet de réduire la pression de 200 bars, ce qui rend le gaz utilisable pour la délivrance au patient.
- D’un débitmètre, relié au manodétendeur et gradué en litres par minute (L/min), qui permet de régler et de surveiller le débit d’oxygène conformément à la prescription médicale.
Elles facilitent la déambulation des patients ainsi que la réalisation d’examens éloignés de la chambre (scanner, IRM, échographie cardiaque), grâce à leur format portable et facilement transportable.
Elles servent également de source d’oxygène de secours en cas de panne du réseau central, pour garantir la continuité du traitement.
Lors de l’administration d’oxygène, calculer le volume d’oxygène disponible permet d’évaluer l’autonomie du dispositif et d’anticiper son remplacement (voir paragraphe “Calcul du volume et d’autonomie d’une bouteille d’oxygène” ci-dessous).
Calcul du volume et d’autonomie d’une bouteille d’oxygène
Le calcul du volume d’oxygène s’effectue selon la formule :
- Volume (L) = Pression (bar) × Capacité de la bouteille (L).
- Une bouteille de 5 L remplie à 150 bars contient 750 L d’oxygène (150 × 5).
Pour estimer la durée d’autonomie selon le débit prescrit, on utilise :
- Volume (L) ÷ (Débit (L/min) x 60).
- Admettons que le débit prescrit soit de 5 L/min alors l’autonomie est de 2,5 heures (750 ÷ (5 x 60)).
Ce calcul permet au/à la soignant(e) de surveiller efficacement la consommation d’oxygène et de garantir la continuité du traitement sans interruption, en anticipant le moment où la réserve d’oxygène deviendra insuffisante et devra être remplacée.
Concentrateurs d’oxygène fixes
Les concentrateurs d’oxygène fixes sont plus rares, mais ils sont parfois utilisés en milieu hospitalier, notamment dans les services de soins médicaux et de réadaptation (SMR), de longue durée ou dans les structures temporaires où le réseau central d’oxygène n’est pas disponible.
Ces appareils permettent de concentrer l’oxygène de l’air ambiant à plus de 90 % par l’adsorption de l’azote sur des tamis moléculaires de zéolithe.8
Leur principal avantage réside dans leur autonomie et leur continuité d’approvisionnement, tant qu’ils sont alimentés électriquement.
Cependant, le faible débit qu’ils délivrent (souvent inférieur ou égal à 9 L/min)8 les rend inadaptés aux situations d’urgence et aux patients nécessitant des débits élevés.
En pratique, il s’agit d’une solution d’appoint ou de relais thérapeutique, plutôt que d’une source principale d’oxygène hospitalier.
Dispositifs d’administration de l’oxygène
L’oxygénothérapie conventionnelle peut être administrée à l’aide de différents dispositifs, appelés interfaces.
Le choix du dispositif dépend principalement :
- Du débit d’oxygène prescrit.
- De la fraction inspirée en oxygène souhaitée (FiO2).
Les lunettes à oxygène
Elles sont indiquées pour des débits faibles compris entre 1 et 6 L/min9.10 et permettent d’obtenir une FiO2 estimée entre 24 et 50 %10. Elles garantissent un apport d’oxygène léger et continu et offrent un excellent confort.
Composition :
- Deux canules nasales à insérer délicatement à l’intérieur des narines.
- Tubulure souple passant derrière les oreilles pour maintenir le dispositif.
- Bague coulissante sous le menton permettant d’ajuster la fixation.
Avantages :
- Excellent confort pour le patient.
- Possibilité de parler, manger et boire pendant l’administration.
- Apport d’oxygène léger et continu.
Limites :
- Efficacité diminuée en cas de respiration buccale, notamment pendant le sommeil.
- Contre-indication en cas d’obstruction nasale.
Risques liés au dispositif :
- Irritation de la muqueuse nasale : certains patients ressentent une gêne ou une sécheresse nasale lorsque le débit dépasse 4 L/min, mais ce dispositif est généralement bien toléré.10
- Épistaxis : la sécheresse excessive peut fragiliser la muqueuse nasale. Lorsque les besoins en oxygène du patient augmentent, le masque à oxygène simple constitue l’alternative la plus efficace.
Le masque à oxygène simple
Le masque à oxygène simple est indiqué pour des débits compris entre 5 et 10 L/min. Il permet d’obtenir une FiO2 moyenne de 40 à 60 % selon le débit administré et la ventilation spontanée du patient10.
Composition :
- Coque faciale souple épousant le nez et la bouche du patient.
- Tubulure reliée au débitmètre d’oxygène.
- Système de fixation élastique ajustable derrière la tête pour maintenir le masque.
Avantages :
- Oxygénation plus efficace qu’avec les lunettes nasales.
- Mise en place simple et rapide.
Limites :
- Communication limitée pendant l’utilisation.
- Alimentation et hydratation impossibles.
Risques liés au dispositif :
- Lésions cutanées : le contact prolongé du masque peut provoquer des rougeurs ou des lésions de pression au niveau de l’arête du nez et des joues.
- Sécheresse des muqueuses : l’oxygène est un gaz sec qui assèche les voies respiratoires.
- Risque d’inhalation en cas de vomissements sous masque.
- Réinhalation du CO2 :
- Les masques avec valve anti-retour empêchent la réinhalation du CO2 et comportent des évents de sûreté.
- Les masques simples sans valve nécessitent un débit minimal de 5 L/min pour éviter la réinhalation du CO2 expiré.10
En cas d’hypoxémie sévère nécessitant une concentration maximale en oxygène, le masque à haute concentration devient le dispositif de choix.
Le masque à haute concentration
Le masque à haute concentration est indiqué pour des débits compris entre 9 et 15 L/min. Il permet d’obtenir une FiO2 élevée, de 60 à 98 %, selon le débit administré et la ventilation du patient.11
« Chez un patient présentant une détresse respiratoire aiguë sans risque d’hypercapnie et dont la saturation en oxygène (SpO2) est inférieure à 85 %, il est recommandé de commencer immédiatement l’oxygénothérapie avec un masque à réservoir à un débit de 15 L/min. »10
Composition :
- Coque faciale souple épousant le nez et la bouche du patient.
- Tubulure reliée au débitmètre d’oxygène.
- Système de fixation élastique ajustable derrière la tête pour maintenir le masque.
- Réservoir souple (sac) gonflé d’oxygène avant la pose.
- Valves anti-retour empêchant la réinhalation de CO2.
- Évents de sécurité permettant l’entrée d’air en cas de coupure du flux.
Avantages :
- Efficacité maximale en termes d’oxygénation.
- Dispositif de référence en situation d’urgence respiratoire.
- Sécurité renforcée grâce aux valves et aux évents.
Limites :
- Communication difficile pendant l’utilisation.
- Alimentation et hydratation impossibles.
- Nécessité d’une surveillance étroite du réservoir.
Risques liés au dispositif :
- Dégonflement du réservoir : si le débit est insuffisant (< 9 L/min)11, le réservoir se vide complètement à l’inspiration, ce qui compromet l’oxygénation.
- Suroxygénation : risque d’hypercapnie chez les patients BPCO.
- Lésions cutanées en rapport avec la pression du masque.
- Risque d’inhalation en cas de vomissement sous masque.
- Anxiété ou claustrophobie due au port prolongé.
Lorsque l’objectif principal est d’obtenir une FiO2 plus précise et contrôlée, notamment chez les patients à risque d’hypercapnie comme ceux atteints de BPCO, on privilégie le masque Venturi.
Le masque Venturi
Le masque Venturi est conçu pour délivrer une FiO2 précise et stable (FiO2 fixe de 24 à 60 %)10, indépendamment du débit d’oxygène administré grâce à des buses interchangeables de couleurs distinctes.
Chaque buse de couleur spécifique correspond à une FiO2 précise (24 %, 28 %, 31 %, 35 %, 40 %, 60 %) et requiert un débit d’oxygène spécifique indiqué sur la buse elle-même.
Il est donc particulièrement indiqué chez les patients atteints de BPCO ou présentant un risque d’hypercapnie, car il permet d’éviter la suroxygénation et la rétention de dioxyde de carbone (CO2).
Composition :
- Coque faciale recouvrant le nez et la bouche du patient.
- Buses Venturi interchangeables de couleurs spécifiques, correspondant à une FiO2 précise.
- Orifices latéraux permettant l’entrée d’air ambiant selon un ratio déterminé.
- Tubulure reliée au débitmètre d’oxygène.
- Système de fixation élastique ajustable derrière la tête pour maintenir le masque sur le visage.
Avantages :
- FiO2 précise et stable.
- Sécurité accrue pour les patients à risque d’hypercapnie (prévention de la suroxygénation).
- Polyvalence : plusieurs choix de FiO2 disponibles.
- Fiabilité : concentration non influencée par la ventilation du patient.
Limites :
- Confort limité pour le patient.
- Communication difficile pendant l’utilisation.
- Impossibilité de s’alimenter ou de boire avec le masque.
- Nécessité de porter une attention particulière pour éviter les erreurs de buse.
Risques liés au dispositif :
- Erreur de buse : confusion entre les différentes buses pouvant entraîner une FiO2 inadaptée à l’état clinique du patient.
- Obstruction de la buse : accumulation de sécrétions pouvant modifier le mélange air/oxygène.
- Lésions cutanées : le contact prolongé du masque peut provoquer des rougeurs ou des lésions de pression au niveau de l’arête du nez et des joues.
Tableau récapitulatif des différents dispositifs d’administration de l’oxygène
Voici un tableau récapitulatif des différents dispositifs d’administration de l’oxygène : 10.11
| Dispositif | Avantages | Limites | Risques liés au dispositif |
| Lunettes à oxygène | -Permettent de parler, boire et manger. -Apport léger et continu d’O2 | -Inefficaces en cas de respiration buccale. -Contre-indiquées si obstruction nasale. | – Irritation ou sécheresse nasale (≥ 4 L/min). – Épistaxis. |
| Masque simple | -Oxygénation plus efficace qu’avec les lunettes. -Mise en place simple et rapide. | – Communication limitée. -Alimentation et hydratation impossibles. | -Lésions cutanées. -Sécheresse des muqueuses. -Réinhalation du CO2 si débit insuffisant. -Risque d’inhalation en cas de vomissements. |
| Masque à haute concentration (MHC) | -Très efficace en situation d’urgence. -FiO2 élevée et stable. – Sécurité renforcée (valves, évents). | -Communication difficile. -Claustrophobie possible. -Nécessite une surveillance étroite. | – Dégonflement du réservoir si débit insuffisant. -Suroxygénation. -Lésions cutanées/anxiété. -Risque d’inhalation si vomissements. |
| Masque Venturi | -FiO2 stable et contrôlée. -Sécurité accrue chez les patients à risque d’hypercapnie. -Plusieurs choix de FiO2 disponibles | -Confort limité. -Communication et alimentation impossibles. -Exige une rigueur d’utilisation. | -Erreur de buse (FiO2 inadaptée). -Obstruction par sécrétions. -Lésions cutanées au niveau du nez ou des joues. |
Humidification de l’oxygène : quand est-elle nécessaire ?
Principes de l’humidification
L’administration d’oxygène médical sec peut provoquer une gêne respiratoire liée à la sécheresse du gaz, contrairement à l’air ambiant naturellement chaud et humidifié.
Privées d’humidité, les muqueuses respiratoires s’altèrent, ce qui entraîne irritation, épaississement des sécrétions et difficultés d’expectoration, ce qui altère à la fois le confort du patient et l’efficacité du traitement.
Pour y remédier, des systèmes d’humidification comme les dispositifs Aquapack® enrichissent l’oxygène en vapeur d’eau par barbotage dans un réservoir stérile, ce qui reproduit les conditions physiologiques naturelles.
Cependant, leur bénéfice clinique réel reste controversé dans la littérature scientifique.
Recommandations officielles
Les recommandations françaises actuelles annoncent que l’ajout d’un humidificateur non chauffant ne se justifie pas automatiquement pour des débits inférieurs à 5 L/min, sauf en présence de symptômes cliniques manifestes ou d’une intolérance marquée du patient.9
Une méta-analyse internationale portant sur 27 essais randomisés et 8 876 patients a comparé l’oxygène humidifié et l’oxygène non humidifié à bas débit et propose la conclusion suivante :
« L’humidification systématique de l’oxygène lors d’une oxygénothérapie à bas débit n’est pas justifiée, et l’oxygène non humidifié semble même plus bénéfique pour les patients.
Cependant, les auteurs soulignent que la qualité méthodologique des études disponibles reste limitée, et qu’il est nécessaire de mener de nouveaux essais cliniques randomisés de grande ampleur afin de confirmer ces résultats. »12
En pratique pour l’infirmier(e)
L’humidification de l’oxygène ne doit pas être systématique, mais relever d’une évaluation clinique individualisée.
La décision dépend de plusieurs facteurs :
- Débit d’oxygène prescrit.
- Durée prévue du traitement.
- Confort du patient : irritation des muqueuses.
- Épaississement des sécrétions rendant l’expectoration difficile.
- Avant toute modification, il est impératif d’informer le médecin prescripteur et obtenir son accord.
Les étapes clés pour réaliser une oxygénothérapie
Avant le soin
Avant d’initier une oxygénothérapie, l’infirmier(e) doit se référer à la prescription médicale, puis procéder à une série de vérifications indispensables afin de garantir la sécurité du patient comme du soignant.
Ces étapes s’inscrivent dans le respect de la règle des 7B, principe fondamental de tout acte thérapeutique.
Préparation du matériel
Avant la réalisation du soin, il est nécessaire de préparer et vérifier l’ensemble du matériel requis, en effet l’anticipation d’un soin permet d’optimiser sa bonne réalisation.
- Source d’oxygène fonctionnelle : avec débitmètre et olive de raccordement.
- Plateau préalablement désinfecté pour transporter le matériel.
- Saturomètre : afin d’avoir une valeur de référence et suivre l’évolution de la SpO2.
- Dispositif d’administration :
- Interface patient adaptée.
- Humidificateur stérile à usage unique (si prescrit ou besoin du patient).
- Hygiène patient et soignant :
- Solution hydroalcoolique.
- Crachoir ou haricot jetable à usage unique.
- Mouchoirs.
- Sac DAOM.
Préparation du patient
Avant le soin et tout acte de soin, il est essentiel d’instaurer une relation de confiance avec le patient.
- Expliquer le soin au patient avec bienveillance, en adaptant votre discours à son niveau de compréhension et en adoptant une posture rassurante, sans utiliser de formulations anxiogènes.
- Recueillir son consentement libre et éclairé.
- Réaliser l’identitovigilance en lui demandant de décliner son nom de naissance, son nom d’usage (le cas échéant), son prénom et sa date de naissance.
- L’installer en position assise ou demi-assise si possible afin d’optimiser la ventilation alvéolaire.
Déroulement du soin
Il est recommandé de structurer mentalement le déroulement du soin avant la pose du dispositif, afin de garantir une exécution fluide, sécurisée et conforme aux bonnes pratiques professionnelles.
- Effectuer une friction hydroalcoolique, et respecter les étapes recommandées pour une durée minimale de 30 secondes.
- Ne porter des gants non stériles que dans certaines situations (voir paragraphe “Faut-il porter des gants ?” ci-dessous).
- Préparer le dispositif d’oxygène :
- Connecter l’humidificateur stérile à usage unique (si prescrit ou besoin du patient).
- Monter la tubulure sur le débitmètre.
- Régler le débit prescrit avant d’appliquer le dispositif.
- Appliquer le dispositif selon la prescription médicale :
- Lunettes à oxygène : introduire délicatement les embouts dans les narines, puis passer la tubulure derrière les oreilles et ajuster sous le menton.
- Masque simple ou à réservoir : positionner le masque sur le nez et la bouche, ajuster la sangle sans compression ; vérifier l’étanchéité.
- Masque Venturi : choisir la buse correspondant à la FiO2 prescrite, raccorder au débitmètre et vérifier le débit indiqué sur la buse.
- S’assurer du confort du patient : absence de gêne, de douleur.
- Vérifier la bonne diffusion de l’oxygène : réservoir gonflé pour le masque haute concentration, absence de fuite ou de coudure des tubulures.
- Effectuer une deuxième friction hydroalcoolique, et respecter les étapes recommandées pour une durée minimale de 30 secondes.
- Tracer systématiquement l’acte dans le dossier de soins :
- Date et heure du début du traitement.
- Dispositif utilisé et débit d’oxygène administré.
- Valeurs de SpO2 avant et après la pose.
- Rédaction de la transmission infirmière.
Faut-il porter des gants ?
Il est important de rappeler que le port de gants à usage unique n’est pas systématique lors de l’instauration d’une oxygénothérapie.
L’infirmier(e) doit avant tout appliquer les précautions standard définies par la Société Française d’Hygiène Hospitalière (SF2H)13, en effet, l’absence de gants favorise une meilleure observance de l’hygiène des mains, qui demeure la mesure la plus efficace pour prévenir les infections.
Le port de gants non stériles à usage unique reste néanmoins indiqué dans certains contextes : si le soignant ou le patient présente une lésion cutanée au niveau de la zone manipulée, ou lorsqu’un contact avec du sang ou un autre liquide biologique est susceptible de survenir (en cas d’épistaxis, par exemple).
Risques de l’oxygénothérapie : rôle et prévention infirmière
L’oxygénothérapie, comme tout traitement médical, expose à des risques. Leur prévention repose sur une surveillance rigoureuse et une évaluation continue du patient. Comprendre les dangers et le devoir infirmier en ce qui concerne leur prévention est donc primordial pour garantir la sûreté et l’efficacité du soin.
Hyperoxie : risques d’un excès d’oxygène
L’hyperoxie se définit comme une augmentation de la pression partielle alvéolaire (PAO2) supérieure à celle obtenue en respirant de l’air. Dès lors, l’enrichissement en oxygène conduit à une élévation de la pression partielle en oxygène (PaO2 > 100 mmHg).14
Lors d’une oxygénothérapie normobare, les effets secondaires de l’oxygène concernent principalement les voies respiratoires et les poumons :
« À une pression ambiante, les premiers signes (trachéobronchite, douleur rétrosternale et toux sèche) apparaissent dès 4 heures d’exposition à 95 % d’oxygène. Une réduction de la capacité vitale forcée peut survenir dans les 8-12 h d’exposition à 100 % d’oxygène, mais l’apparition de lésions sévères nécessite des expositions beaucoup plus longues. Un œdème interstitiel peut être observé après 18 h d’exposition à 100 % d’oxygène et peut conduire à une fibrose pulmonaire. »15
Hypercapnie sous oxygène chez le patient BPCO
La phrase « Pas d’oxygène chez le patient BPCO, c’est dangereux. » revient souvent, mais elle mérite d’être expliquée.
Chez le patient sain, la respiration, notamment la fréquence respiratoire, est régulée par le taux de dioxyde de carbone (CO2) dans le sang :
- Quand le CO2 augmente, la respiration s’accélère.
- Quand il diminue, la respiration ralentit.
Chez certains patients atteints de BPCO, l’organisme s’adapte à un taux de CO2 élevé de façon chronique (hypercapnie chronique). Le stimulus respiratoire principal n’est plus le CO2, mais le manque d’oxygène (hypoxie).
Ainsi, si l’on administre de l’oxygène en trop grande quantité, cette hypoxie disparaît :
- Le centre respiratoire est moins stimulé.
- La fréquence respiratoire diminue.
- Le CO2 s’accumule dans le sang, ce qui provoque une hypercapnie induite par l’oxygène.
C’est pour cette raison que les cibles de SpO2 chez certains patients BPCO sont plus basses, afin de garantir une oxygénation suffisante sans supprimer le stimulus respiratoire.
Dangers techniques et sécurité
Contrairement aux idées reçues, l’oxygène n’est pas un gaz inflammable, mais un comburant, il favorise l’inflammation de matières combustibles.
Son utilisation nécessite donc des précautions strictes pour éviter les accidents.
- Une flamme nue, cigarette, étincelle ou appareil électrique défectueux près d’une source d’O2 représente un risque majeur d’incendie ou d’explosion.
- Le contact entre l’oxygène et des corps gras (huiles, graisses, pommades) peut provoquer une inflammation spontanée.15
- L’ouverture trop rapide d’un obus d’O2 peut entraîner une décharge brutale du gaz et peut arracher la tubulure ou le manodétendeur.
Surveillance infirmière
La surveillance chez un patient sous oxygénothérapie doit être globale, continue et individualisée. Elle intègre l’évaluation des paramètres respiratoires et du ressenti du patient.
Elle comprend également la vérification du matériel pour un soin sûr et efficace, ainsi que la détection précoce de toute hypoxie ou désaturation, grâce à la mesure continue de la SpO2 et à l’observation clinique du patient.
Cette vigilance permet d’adapter le traitement en temps réel et de prévenir les complications.
| Catégories de surveillance | Éléments à observer | Actions |
| Paramètres respiratoires et signes cliniques | SpO2 (oxymètre). Signes de détresse respiratoire. | Si SpO2 < cible prescrite ou symptômes cliniques de détresse respiratoire : augmenter le débit selon prescription et prévenir le médecin. Adapter la FiO2 aux besoins réels du patient : > 94 % ou 88-92 % patient BPCO. Surveiller les résultats de gazométrie artérielle (PaO2) et signaler une PaO2 > 100 mmHg ou une PaO2 < 80 mmHg. |
| Confort, tolérance et état cutané | Gêne : anxiété, inconfort, claustrophobie. État cutané : irritation, rougeur, lésions nasales ou faciales. Sécheresse bucco-nasale. Aspect des sécrétions, difficulté à expectorer. | Réajuster le dispositif, prodiguer de la réassurance. Protéger avec pansement hydrocolloïde si besoin. Envisager humidification/soins de bouche/lavages nasaux. Utiliser des produits à base d’eau. |
| Matériel, dispositifs et paramètres techniques | Débit d’oxygène réglé en lien avec la FiO2 prescrite. Intégrité et propreté du dispositif (absence de fuite ou d’obstruction). Risque d’incendie | Éloigner toute source de chaleur ou de flamme de l’oxygène. Interfaces à changer après 7 jours ou plus si souillé.16 Informer le patient et sa famille des règles de sécurité. |
Conclusion : l’essentiel à retenir
L’oxygénothérapie est un traitement vital, largement utilisé dans la prise en charge des patients qui présentent une insuffisance respiratoire ou une hypoxémie.
Son efficacité repose sur une prescription médicale adaptée, l’utilisation de dispositifs d’administration appropriés et une surveillance rigoureuse et continue.
Cependant, l’oxygène n’est pas dénué de dangers : un excès d’apport peut entraîner une hyperoxie, source possible de lésions pulmonaires ou d’hypercapnie chez certains patients atteints de BPCO.
L’infirmier(e) occupe une position centrale : il ou elle veille à la sécurité du patient, au bon usage du matériel, et assure une mission d’éducation essentielle pour garantir un usage sûr, efficace et raisonné de l’oxygène.
Dans certaines pathologies (embolie gazeuse, plaies chroniques ou défaillance respiratoire sévère) le recours à des techniques avancées peut être nécessaire. Parmi elles, l’oxygénothérapie à haut débit (optiflow) occupe une position croissante : elle permet d’administrer un flux d’oxygène humidifié et chauffé pouvant dépasser les 15 L/min de l’oxygénothérapie conventionnelle. Elle peut également retarder ou éviter le recours à la ventilation mécanique. D’autres approches, comme l’oxygénation en caisson hyperbare, la ventilation non invasive et la ventilation mécanique, peuvent également être envisagées selon la gravité du tableau clinique.
Remerciements
Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à Isabelle BATAILLE (cadre de santé et formatrice en IFSI), Marielle LABORDE (formatrice en santé), Aude PALLIER (formatrice et référente en santé), Viviane CASSOTTI (hygiéniste), Badia JABRANE (directrice pédagogique).
Chez Réussis ton IFSI, nous nous engageons à proposer des contenus d’une fiabilité inégalée. En complément de l’expertise interne de notre équipe habituelle, nous valorisons l’apport de professionnel(le)s extérieur(e)s qualifié(e)s qui enrichissent nos articles de perspectives nouvelles.
Sources
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